Place des algues dans le monde vivant

De l'Antiquité à la découverte du microscope par Anthony Van Leeuwenhoek en 1675 on distinguait le Minéral, le Végétal et l'Animal.
La découverte des Bactéries et des Protozoaires par ce même auteur permit de répartir les organismes vivants en 3 Règnes : Bactéries, Végétaux, Animaux.

Puis au début du XX° siècle, les organismes vivants sont répartis en 2 groupes: les Procaryotes (du grec pro = primitif et karyon = noyau) et les Eucaryotes (de eu = vrai). Les premiers ne possèdent qu'un seul chromosome circulaire, libre dans le cytoplasme alors que les seconds possédent un cytoplasme renfermant un noyau individualisé (entouré d'une double membrane).

Certaines difficultés se présentant (les "Algues bleues" bien que de nature procaryotique étaient placées avec les Végétaux, les Champignons étaient eux aussi placés dans le Règne végétal, et pour certains organismes comme les Cryptophytes, les Euglènes...il est difficile de définir une nature animale ou une nature végétale).

Whittaker en 1969 a proposé un classification du monde vivant en 5 Règnes: Monères (Cyanophycées et bactéries), Protistes, Animaux, Champignons, Végétaux.

Woose
(1977) en propose 6 : Animaux, Champignons, Végétaux, Protistes, Archéobactéries, Eubactéries.

Depuis le début du XX° siècle on propose une classification cladistique ou phylogénétique.em>

L'association de protistes, d'abord en colonies, puis la spécialisation de certains individus, aurait permis ensuite la formation de véritables organismes végétaux pluricellulaires ou Métaphytes dont les Algues.

Il y a 580 millions d'années, la faune d'Ediacara en Australie témoigne déjà d'une grande diversité de Métazoaires ou animaux pluricellulaires à corps mou et dont l'embryon est formé à partir de 2 feuillets (diploblastiques).

C'est la faune de Burgess, datée de -505 millions d'années qui montre les premiers animaux pluricellulaires triploblastiques (3 feuillets embryonnaires) dont les plans d'organisation préfigurent tous ceux des Embranchements actuels.

Unité et diversité du monde vivant

1. Les organismes vivants.

Ce sont des systèmes complexes organisés constitués de macromolécules de substances organiques carbonées (protides, lipides et glucides) qu'ils élaborent (ils sont dits autotrophes) ou puisent dans le milieu (ils sont alors hétérotrophes).

-Ils sont formés d'au moins une cellule: la cellule est l'unité structurale et fonctionnelle.

<<Nous et les colibacilles, ainsi que tous les autres êtres vivants, sommes faits de cellules, qui sont construites avec les mêmes substances. Nous élaborons nos constituants par les mêmes mécanismes. >> (d'après Christian de Duve in "A l'écoute du vivant". Odile Jacob. 2002).

-Ils sont capables d'auto-renouvellement.

lls échangent matière, énergie et information avec le milieu; ils utilisent de la même manière, matière et énergie.

-Ils sont capables d'auto-conservation.

Ils sont capables, pour une durée déterminée, de copier leur séquence génétique ou ADN et de transmettre l'information génétique qu'elle porte, de décrypter cette information pour élaborer des protéines de fonctionnement (enzymes) et des protéines de constitution.

<<Nous dépendons des mêmes processus pour extraire de l'énergie de l'environnement et la transformer en travail utile>> (du même auteur).

-Ils sont enfin capables d'auto-reproduction.

La reproduction peut-être asexuée ou sexuée. <<...nous employons le même langage génétique et observons le même code>>

-Ils descendent tous d'une forme ancestrale unique.

En effet on retrouve dans leurs gênes (molécule ADN) le même code des séquences d'acides aminés responsables de la synthèse des molécules protéiques, briques du vivant. Il existe donc une grande unité du monde vivant mais aussi une grande diversité (biodiversité) dûe aux erreurs de copie des séquences d'acides aminés, mutations qui sont donc responsables de la séparation ou de la divergence entre 2 espèces.

2. Les algues sont des organismes vivants.

Ce sont des eucaryotes (possédant un noyau véritable) unicellulaires ou pluricellulaires tributaires du milieu aquatique (eau de mer, eaux douces, sols) pour vivre et assurer une véritable reproduction sexuée.

- capables de photosynthèse qui se produit dans des organites spécialisés, les plastes porteurs de pigments dont les chlorophylles souvent masquées par d'autres pigments.

- leur appareil végétatif appelé thalle ne comprend ni organes ni cellules spécialisées. Pourtant chez les algues brunes on distingue crampons, styles ou frondes ressemblant étrangement à des racines, tiges ou feuilles; elles possèdent aussi de véritables canaux permettant la circulation des substances nécessaires à la vie de l'algue.

-elles possèdent aussi une vraie reproduction sexuée; leurs cellules reproductrices, gamètes et spores, sont produites par des cystes (gamétocystes et sporocytes).

- elles présentent une grande diversité de formes, de couleurs et de biologies.

3. Classifications des organismes vivants.

La nécessité de nommer et de classer les organismes vivants afin de transmettre des informations à leur sujet et d'exprimer leur diversité s'est très vite fait sentir. Après l'identification des espèces vivantes et passées, leur description, la recherche de la relation d'ancêtre à descendants "qui descend de qui?" ou généalogie puis celle des relations de parenté ("qui est proche parent de qui?" ou phylogénie), on a essayé de les classer (c'est à dire de regrouper des individus en catégories hiérarchisées selon différents critères morphologiques, anatomiques, cytologiques, écologiques ou évolutifs).

La catégorie élémentaire est l'espèce qui est formée de l'ensemble des organismes qui se ressemblent et sont capables de se reproduire entre eux, c'est à dire qui dérivent les uns des autres par des modifications qui se transmettent aux descendants.

C'est le botaniste français Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) qui a réuni les espèces en genres puis le naturaliste suédois Carl Von Linné (1707-1778), fondateur de la Systématique ou Taxonomie, qui a classé les organismes en groupes ou taxons de plus en plus larges.
Les principaux taxons sont: espèces, genres, familles, ordres, classes, embranchements ou phylums et règnes.
Un taxon ou clade contient un ancêtre et tous ses descendants

Plus tard Charles Darwin (1809-7882) s'efforce de faire correspondre la classification des êtres vivants à leur histoire évolutive et pour Ernst Haeckel (1834-1919) la classification doit refléter la phylogénie, c'est à dire l'histoire de la descendance des êtres vivants.

Nomenclature fixée par le Code international
de nomenclature botanique (Greuter et al., 2000)

On désigne scientifiquement un animal ou un végétal par 2 noms latins, le premier est le nom du genre (qui commence toujours par une majuscule) et le second celui de l' espèce (toujours en minuscules).
Ces noms sont suivis par l'initiale ou le nom du premier descripteur de l'espèce et l'année de la découverte.
La même espèce possède souvent plusieurs noms usuels ou vernaculaires (propres à un pays à une région).

Rang du taxon
Algues
Embryophytes
Division=Embranchement=phylum
Radical + phyta
R + phyta
Classe
R + phyceae
R + opsida
Sous-classe
R + phycidae
R + idae
Ordre
R + ale

Famille
R + aceae
R + aceae
Sous-famille
R + oideae
R + oideae
Tribu
R + eae
R + eae
Sous-tribu
R + inae
R + inae
Genre


Espèce (sous-espèce, variété, sous-variété, forme, sous-forme)


Ex: l'ulve ou "laitue de mer"
Règne: végétal
Embranchement: Chlorophytes
Classe Chlorophycées
Sous-classe Chlorophycidées
Ordre : Ulvales
Famille: Ulvacées
Genre: Ulva
Espèce: lactuca Linné, 1753 var. rigida Agardh, 1824

Les grandes divisions de la classification traditionnelle
(Wittaker, 1969)

PROCARYOTES

1. Règne. Monères.
1.1. Bactéries
Organismes de formes
et de tailles très variées.
Taille comprise entre
0,3 µm < t < 600 µm
Enveloppe externe
ou paroi glycopeptidique
Grande diversité
des modes de vie:
hétérotrophie, autotrophie (2), photo-synthèse,
aérobiose,
anaérobiose

1.1.1. Archæbactéries ou Archées
Bactéries non
photosynthètiques
Vie dans des milieux extrêmes aquatiques ou terrestres (en absence de dioxygène, à de hautes ou très basses températures, à grandes profondeurs) comme dans les sources hydro-thermales marines, les lacs salés, les eaux antarctiques..

Ex: A. méthanogènes
A. halophiles
A. thermoacidophiles

1.1.2. Eubactéries
(bactéries vraies)

Bactéries photosynthétiques
Présentes dans tous les milieux, libres ou parasites.

Ex: Coques, Bacilles, Spirochètes,
Chlamidiées, Mycoplasmes, Protéobactéries....
1.2. Algues procaryotiques.
Cyanophycées ou "algues bleues"
Actuellement Cyanobactéries
Présentes dans tous les milieux : air, sols, eaux; libres, autotrophes ou symbiotiques.

Ex: Chlorococcus, Merismopedia, Oscillatoria, Nostoc, Rivularia

EUCARYOTES

2. Règne. P r o t i s t e s.
Souvent unicellulaires. Structure cellulaire = membrane + cytoplasme (organites cellulaires) + noyau

2.1. Protozoaires
Hétérotrophes

Rhizopodes
Pseudopodes cytoplasmiques
Amibe
Foraminifères
Marins à test calcaire

Actinopodes
Planconiques à fins pseudopodes
Acanthaires, Radiolaires, Héliozoaires
Zoomastigophores (zooflagellés)
Un flagelle
Euglène
Trypanosome du sommeil
Apicomplexés
Parasites extracellulaires
Plasmodium du paludisme
Grégarine
Microsporidies
Parasites intracellulaires

Ciliés
Cils vibratiles
Paramécie
2.2. Algues unicellulaires
Xanthophycées, Chrysophycées, Diatomées, Rhaphidophycées, Eustigmatophycées,
3. Règne. Fungi ou champignons
Thallophytes (1) : Possèdent un thalle (absence de vraies tiges, feuilles, racines).
3.1. Myxomycètes
Organismes à tendances animales et rappelant les Champignons,
Myxomycètes
3.2. Protozofungals
Acrasiomycètes
3. 3. Eumycètes
Zygomycètes
Ascomycètes
Basidiomycètes
Hétérotrophes par absorption. Pas de différenciation cellulaire: les cellules assemblées forment un réseau, le mycélium (paroi=hémicellulose+chitine)

Mucor
Morille, truffe
Bolet, cèpe
3.4. Oomycètes
Hétérotrophes, parasites
Mildiou de la vigne
Thallophytes (1) constitués de l'association d'une algue et d'un champignon qui vivent en symbiose
4. Règne. Plantae ou végétaux.

4. 1. Algues ou Phycophytes

Thallophytes (1)
5. Actuellement Règne. Embryophytes ou
Plantes terrestres
Cormophytes

Possèdent des «cormus» ou
« rameaux feuillés »,
un système vasculaire (vaisseaux) sauf les Bryophytes.
Ils ont des tissus et organes spécialisés: des racines, des tiges, des feuilles et des vaisseaux.

Cryptogames

Organes reproducteurs cachés
Archégoniates possèdent des archégones,
organes femelles renfermant
une cellule sexuelle femelle
ni fleurs ni graines
Bryophytes
non vasculaires, photosynthétiques, Chlorophylle a
Hépatiques
Mousses
Sphaignes
Andréales
Ptéridophytes
ou Fougères ou trachéophytes vasculaires, photosynthétiques, chlorophylle a
Polypode
Phanérogames Organes reproducteurs "visibles"

Préspermaphytes
Ginko biloba
Cycas revoluta
Spermaphytes
plantes à graines
Gymnospermes ou plantes à graines nues
Pin
Chlamydospermes 2 bractées autour de l'ovule Ephédra
Angiospermes ou plantes à graines dans un fruit.
Blé, Prunier, Posidonie
6. Règne. Animaux
Organismes multicellulaires
Pas de paroi cellulaire.
Hétérotrophes par ingestion
Invertébrés
Papillon,
Crevettes

Chordés ou Cordés

Urocordés

Ascidie
Céphalocordés
Amphioxus

Vertébrés

Requin, tortue, grenouille, goéland, dauphin

NB : les groupes "en italique" ont des représentants en milieu marin.

(1) Thallophytes : leur appareil végétatif est dépourvu de tissus et d'organes spécialisés (ni de vraies racines, de tiges, de feuilles et de vaisseaux)
Ils possèdent un organe de fixation (crampons, rhizoïdes, disque, ventouses..), un stipe ou pédoncule, une fronde colorée ou lame.

(2) Autotrophes : capables de croissance, c'est à dire d'augmenter leur masse grâce à l'assimilation de matières inanimées issues du milieu environnant qu'elles transforment ("synthèse") et incorporent en utilisant l'énergie solaire ("photo= lumière").
Certaines se contentent d'utiliser les matières organiques fabriquées par d'autres êtres vivants: elles sont alors hétérotrophes.

Conclusion: cette classification en 5 règnes ne rend pas compte des liens de parenté entre les organismes qui sont souvent regroupés dans des groupes artificiels comme celui des Algues.

Autres classifications traditionnelles

Dans ce type de classification, les arbres ou phylogénies reflètent l'évolution biologiques par les relations de parenté entre espèces; ils s'emboîtent et constituent l'arbre du vivant
Un arbre est un graphe qui représente une séquence évolutive fondée sur la ressemblance morphologique puis anatomique; des données adaptatives et écologiques puis cytologiques et biologiques sont venues affiner la méthode.

Place des algues dans le monde vivant
Classification des algues
Représentation schématique simplifiée de la phylogénie des algues pluricellulaires intégrant des données récentes en cytologie et biochimie (d'après P. Gayral & J. Cosson, 1986)
Arbre de Vie
Schéma inspiré de l'arbre de vie de Cavalier-Smith (2004) fondé sur des données moléculaire, ultrastructurales et paléontologiques.
Les groupes soulignés correspondent au règne des Protozoaires.
La "racine" du vivant est proposée entre les eubactéries et non entre les eubactéries et les archéobactéries contrairement aux suppositions classiques.

Classification phylogénétique ou cladistique

Plus récemment, l'entomologiste allemand Willi Hennig (1913-1976) fonde la systématique phylogénétique ou cladistique basée sur l'ascendance commune c'est à dire qu'un ancêtre et la totalité des descendants (formes fossiles et formes actuelles) sont groupés en un ensemble ou clade (groupe monophylétique équivalent du taxon) à partir de l'apparition de caractères dérivés ou innovations du groupe.

On utilise actuellement en phylogénie des ressemblances morphologiques, anatomiques, des caractères cytologiques ou des caractères moléculaires (séquences d'ARN ribosomial, d'ADN mitochondrial ou de protéines) qui traduisent une innovation du point de vue évolutif.

A partir des séquences comparées d'acides aminés on peut dessiner des arbres phylogénétiques représentant les lignées évolutives qui se sont séparées à partir d'un ancêtre commun; le nombre de différences permettant d'avoir une idée du temps écoulé depuis la séparation. Ces arbres sont constitués de branches, branche mère ou racine pas toujours connue, et de branches filles qui représentent les liens traduisant l'évolution de caractères dérivés à partir d'un caractère ancestral ou primitif se trouvant au niveau des nœuds.

Récemment Woese (1990) à partir des comparaisons des séquences d'acides aminés des molécules porteuses d'informations (ARN ribosomiques) distingue 3 super règnes ou Domaines (Archées, Eubactéries et Eucaryotes) et plusieurs lignées évolutives qui se sont séparées à partir d'un ancêtre commun constituant des clades ou taxons monophylétiques. Ce faisant les anciens concepts de protistes, d'algues (cf. en bleu ci dessous), de poissons, de reptiles, par exemple, ne sont plus des groupes homogènes mais des groupes polyphylétiques dérivant de 2 ou plusieurs espèces ancestrales. Un groupe est dit paraphylétique quand il manque un ou plusieurs descendants.

Remarques:

1. Dans la classification phylogénétique on nomme les nœuds d'où partent les différentes lignées; nœuds auxquels il est difficile d'associer un rang de taxon (classe, ordre..).
2.Compte tenu de l'évolution des connaissances, les tableaux ou arbres de vie proposés sont nécessairement appelés à subir des modifications ou des remaniements.

Conclusion :
les travaux récents se heurtent encore à des difficultés pour établir les liens de parenté entre les organismes d'autant que la divergence des lignées des Eucaryotes a eu lieu en une période de temps assez courte à partir d'un même point (on parle de "radiation en couronne"); aussi se contentera -t-on de citer les principaux clades.

Se reporter pour plus de détails à la classification des différents groupes d'algues à partir des données de M. Bruno de Riviers (in "Biologie et phylogénie des algues", 2003. Belin Sup):

- Classification des algues.
- Classification des Chlorophytes.
- Classification des Rhodophytes.
- Classification des Ochrophytes.